La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°1979)

Chapitre X

Madame Bouland hochait la tête, sans vouloir lui gâter ce moment de répit en répondant que les grandes douleurs d'expulsion allaient venir. Elle avertit seulement Pauline à voix basse, elle la pria de se mettre de l'autre côté du lit de sangle, pour empêcher une chute possible, dans le cas où l'accouchée se débattrait. Mais, quand lesdouleurs reparurent, Louise ne tenta point de se lever : elle n'en trouvait désormais ni la volonté ni la force. Au premier réveil du mal, son teint s'était plombé, sa face avait pris une expression de désespoir. Elle cessait de parler, elle s'enfermait dans cette torture sans fin, où elle ne comptait désormais sur le secours de personne, si abandonnée, si misérable à la longue, qu'elle souhaitait de mourir tout de suite. D'ailleurs, ce n'étaient plus les contractions involontaires, qui, depuis vingt heures, lui arrachaient les entrailles ; c'étaient à présent des efforts atroces de tout son être, des efforts qu'elle ne pouvait retenir, qu'elle exagérait elle-même, par un besoin irrésistible de se délivrer. La poussée partait du bas des côtes, descendait dans les reins, aboutissait aux aines en une sorte de déchirure, sans cesse élargie. Chaque muscle du ventre travaillait, se bandait sur les hanches, avec des raccourcissements et des allongements de ressort ; même ceux des fesses et des cuisses agissaient, semblaient par moments la soulever du matelas. Un tremblement ne la quittait plus, elle était, de la taille aux genoux, secouée ainsi de larges ondes douloureuses, que l'on voyait, une à une, descendre sous sa peau, dans le raidissement de plus en plus violent de la chair.

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