La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°242)

Chapitre II

Dès lors, la maison fut en l'air. Lazare était parti pour Arromanches, bien que la famille n'eût plus grand espoir dans les médecins. Depuis quinze ans, Chanteau avait essayé de toutes les drogues ; et, à chaque tentativenouvelle, le mal empirait. D'abord faibles et rares, les accès s'étaient multipliés bientôt, en augmentant de violence ; aujourd'hui, les deux pieds se prenaient, même un genou était menacé. Trois fois déjà, le malade avait vu changer la mode de guérir, son triste corps finissait par être un champ d'expériences, où se battaient les remèdes des réclames. Après l'avoir saigné copieusement, on venait de le purger sans prudence, et maintenant on le bourrait de colchique et de lithine. Aussi, dans l'épuisement du sang appauvri et des organes débilités, sa goutte aiguë se transformait-elle peu à peu en goutte chronique. Les traitements locaux ne réussissaient guère mieux, les sangsues avaient laissé les articulations rigides, l'opium prolongeait les crises, les vésicatoires amenaient des ulcérations. Wiesbaden et Carlsbad ne lui produisirent aucun effet, une saison à Vichy manqua de le tuer.

?>