La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°275)

Chapitre II

Le crépuscule parfois les surprenait. Alors, Lazare, étourdi de rythmes, disait ses grands rêves. Lui aussi, serait un musicien de génie, malgré sa mère, malgré tout le monde. Au lycée de Caen, il avait eu un professeur de violon, qui, frappé de son intelligence musicale, lui prédisait un avenir de gloire. Il s'était fait donner en cachette des leçons de composition, il travaillait seul maintenant, et déjà il avait une idée vague, l'idée d'une symphonie sur le Paradis terrestre ; même un morceau était trouvé, Adam et Eve chassés par les Anges, une marche d'un caractère solennel et douloureux, qu'il consentit à jouer un soir devant Pauline. L'enfant approuvait, trouvait ça très bien. Puis, elle discutait. Sans doute, il devait y avoir du plaisir à composer de la belle musique ; mais peut-être se serait-il montré plus sage en obéissant à ses parents, qui voulaient faire de lui un préfet ou un juge. La maison était désolée par cette querelle de la mère et du fils, celui-ci parlant d'aller à Paris se présenter au Conservatoire, celle-là lui accordant jusqu'au mois d'octobre pour choisir une carrièred'honnête homme. Et Pauline soutenait le projet de sa tante, à qui elle avait annoncé, de son air tranquillement convaincu, qu'elle se chargeait de décider son cousin. On en riait, Lazare furieux refermait le piano avec violence, en lui criant qu'elle était " une sale bourgeoise ".

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