La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°332)

Chapitre II

Dès les premiers jours d'octobre, lorsque Louise fut retournée à Caen, Pauline se remit à ses leçons avec sa tante. Le cours de la troisième année allait porter particulièrement sur l'Histoire de France expurgée et sur la Mythologie à l'usage des jeunes personnes, enseignement supérieur qui devait leur permettre de comprendre les tableaux des musées. Mais l'enfant, si appliquée l'année précédente, semblait maintenant avoir la tête lourde : elle s'endormait parfois en faisant ses devoirs, des chaleurs brusques lui empourpraient la face. Une crise folle de colère contre Véronique, qui ne l'aimait pas, disait-elle, l'avait mise au lit pour deux jours. Puis, c'étaient en elle des changements qui la troublaient, un lent développement de tout son corps, des rondeurs naissantes, comme engorgées et douloureuses, des ombres noires, d'une légèreté de duvet, au plus caché et au plus délicat de sa peau. Quand elle s'étudiait, d'un regard furtif, le soir, à son coucher, elle éprouvait un malaise, une confusion qui lui faisait vite souffler la bougie. Sa voix prenait une sonorité qu'elle trouvait laide,elle se déplaisait ainsi, elle passait les jours dans une sorte d'attente nerveuse, espérant elle ne savait quoi, n'osant parler de ces choses à personne.

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