La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°358)

Chapitre II

C'était, chez Pauline, un amour de la vie, qui débordait chaque jour davantage, qui faisait d'elle " la mère des bêtes ", comme disait sa tante. Tout ce quivivait, tout ce qui souffrait, l'emplissait d'une tendresse active, d'une effusion de soins et de caresses. Elle avait oublié Paris, il lui semblait avoir poussé là, dans ce sol rude, au souffle pur des vents de mer. En moins d'une année, l'enfant de formes hésitantes était devenue une jeune fille déjà robuste, les hanches solides, la poitrine large. Et les troubles de cette éclosion s'en allaient, le malaise de son corps gonflé de sève, la confusion inquiète de sa gorge plus lourde, du fin duvet plus noir sur sa peau satinée de brune. Au contraire, à cette heure, elle avait la joie de son épanouissement, la sensation victorieuse de grandir et de mûrir au soleil. Le sang qui montait et qui crevait en pluie rouge, la rendait fière. Du matin au soir, elle emplissait la maison des roulades de sa voix plus grave, qu'elle trouvait belle ; et, à son coucher, quand ses regards glissaient sur la rondeur fleurie de ses seins, jusqu'à la tache d'encre qui ombrait son ventre vermeil, elle souriait, elle se respirait un instant comme un frais bouquet, heureuse de son odeur nouvelle de femme. C'était la vie acceptée, la vie aimée dans ses fonctions, sans dégoût ni peur, et saluée par la chanson triomphante de la santé.

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