La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°423)

Chapitre III

Ce furent des mois d'une intimité complète. Lazare témoignait à Pauline une affection vive, où il entrait de la reconnaissance, pour l'argent qu'elle avait mis dans son entreprise. Peu à peu, de nouveau, la femme disparaissait, il vivait près d'elle comme en compagnie d'un garçon, d'un frère cadet dont les qualités le touchaient chaque jour davantage. Elle était si raisonnable, d'un si beau courage, d'une bonté si riante, qu'elle finissait par lui inspirer une estime inavouée, un sourd respect, contre lequel il se défendait encore en la plaisantant. Tranquillement, elle lui avait conté ses lectures, l'effroi de sa tante à la vue des planches anatomiques ; et, un instant, il était resté surpris et plein de gêne, devant cettefille déjà savante, avec ses grands yeux candides. Ensuite, leurs rapports s'en trouvèrent resserrés, il prit l'habitude de parler de tout librement, dans leurs études communes, lorsqu'elle l'aidait : cela en parfaite simplicité scientifique, usant du mot propre, comme s'il n'y en avait pas eu d'autre. Elle-même, sans paraître y mettre autre chose que le plaisir d'apprendre et de lui être utile, abordait toutes les questions. Mais elle l'amusait souvent, tant son instruction avait de trous, tant il s'y trouvait un extraordinaire mélange de connaissances qui se battaient : les idées de sous-maîtresse de sa tante, le train du monde réduit à la pudeur des pensionnats ; puis, les faits précis lus par elle dans les ouvrages de médecine, les vérités physiologiques de l'homme et de la femme, éclairant la vie. Quand elle lâchait une naïveté, il riait si fort, qu'elle entrait en colère : au lieu de rire, est-ce qu'il n'aurait pas mieux fait de lui montrer son erreur ? et, le plus souvent, la dispute se terminait ainsi par une leçon, il achevait de l'instruire, en jeune chimiste supérieur aux convenances. Elle en savait trop pour ne pas savoir le reste. D'ailleurs, un travail lent s'opérait, elle lisait toujours, elle coordonnait peu à peu ce qu'elle entendait, ce qu'elle voyait, respectueuse cependant pour madame Chanteau, dont elle continuait à écouter d'une mine sérieuse les mensonges décents. C'était seulement avec son cousin, dans la grande chambre, qu'elle devenait un garçon, un préparateur, auquel il criait :

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