La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°501)

Chapitre III

L'hiver arriva, Lazare perdit courage. Une fois encore, sa passion avait tourné, l'usine le répugnait et l'épouvantait. En novembre, la peur le saisit, devant un nouvel embarras d'argent. Il en avait surmonté d'autres, celui-là le laissa tremblant, désespérant de tout, accusant la science. Son idée d'exploitation était stupide, on aurait beau perfectionner les méthodes, on n'arracherait jamais à la nature ce qu'elle ne voudrait pas donner ; et il écrasait son maître lui-même, l'illustre Herbelin, qui, ayant eu l'obligeance de se détourner d'un voyage, afin de visiter l'usine, était demeuré plein de gêne devant les appareils, trop agrandis peut-être, disait-il, pour fonctionner avec la régularité des petits appareils de son cabinet. En somme, l'expérience semblait faite, la vérité était que, dans ces réactions du froid, on n'avait pas encore trouvé le moyen de maintenir au degré voulu les basses températures, nécessaires à la cristallisation des corps. Lazare tirait bien des algues une certaine quantité de bromure de potassium ; mais, comme il n'arrivait point ensuite à isoler suffisamment les quatre ou cinq autres corps qu'il lui fallait jeter aux déchets, l'exploitation devenait un désastre. Il en était malade, il se déclarait vaincu. Le soir où madame Chanteau et Pauline le supplièrent de se calmer, de tenter un suprême effort, il y eut une scène douloureuse, des mots blessants, des larmes, des portes jetées avec une violence telle, que Chanteau effaré sautait dans son fauteuil.

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