La Joie de vivre
La Joie de vivre (paragraphe n°518)
Chapitre III
Du reste, madame Chanteau ne se décidait pas à conclure le mariage. Après le désastre d'argent, Pauline aurait désiré hâter les choses : pourquoi attendre, pendant six mois, qu'elle eût dix-huit ans ? Il valait mieux en finir, sans vouloir que Lazare cherchât d'abord une position. Elle osa en parler à sa tante, qui, gênée, inventa un mensonge, fermant la porte, baissant la voix, pour lui confier un tourment secret de son fils : il était très délicat, il souffrait beaucoup de l'épouser, avant de lui apporter une fortune, maintenant qu'il avait compromis la sienne. La jeune fille l'écoutait, pleine d'étonnement, ne comprenant pas ce raffinement romanesque ; il aurait pu être très riche, elle l'aurait épousé quand même puisqu'elle l'aimait ; et, d'ailleurs, combien faudrait-il attendre ? toujours peut-être. Mais madame Chanteau se récriait, elle se chargeait de vaincre ce sentiment exagéré de l'honneur, si l'on ne brusquait rien. En terminant, elle fit jurer à Pauline de garder le silence, car elle craignait un coup de tête, un départ subit du jeune homme, le jour où il se saurait deviné, étalé, discuté. Pauline, prise d'inquiétude, dut se résoudre à patienter et à se taire.