La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°524)

Chapitre III

Pauline et Lazare avaient recommencé leur ancienne vie commune, tous deux bloqués dans la maison par la rudesse d'un terrible hiver. La première semaine, elle le vit si triste, si honteux de lui et si enragé contre les choses, qu'elle le soigna comme un malade, avec des complaisances infinies ; même il y avait chez elle de la pitié pour ce grand garçon, dont la volonté courte, le courage simplement nerveux, expliquaient les avortements ; et elle prenait peu à peu sur lui une autorité grondeuse de mère. D'abord il s'emporta, déclara qu'il allait se faire paysan, entassa des projets fous de fortune immédiate, rougissant du pain qu'il mangeait, ne voulant pas rester une heure de plus à la charge de sa famille. Puis, les journées passèrent, il remettait toujours à plus tard l'exécution de ses idées, il se contentait de changer chaque matin son plan, le plan qui devait en quelques bonds le mener au sommet des honneurs et des richesses. Elle, effrayée par les fausses confidences de sa tante, le bousculait alors : est-ce qu'on lui demandait de se casser la tête ainsi ? il chercherait une position au printemps, illa trouverait tout de suite ; mais, jusque-là, on le forcerait bien à prendre du repos. Dès la fin du premier mois, elle parut l'avoir dompté, il était tombé dans une oisiveté vague, dans une résignation goguenarde à ce qu'il appelait " les embêtements de l'existence ".

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