La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°624)

Chapitre IV

Maintenant, sa charité active s'élargissait sur toute la contrée. Elle aimait d'instinct les misérables, n'était pas répugnée par leurs déchéances, poussait ce goût jusqu'à raccommoder avec des bâtons les pattes cassées despoules, et à mettre dehors, la nuit, des écuelles de soupe pour les chats perdus. C'était, chez elle, un continuel souci des souffrants, un besoin et une joie de les soulager. Aussi les pauvres venaient-ils à ses mains tendues, comme les moineaux pillards vont aux fenêtres ouvertes des granges. Bonneville entier, cette poignée de pêcheurs rongés de maux sous l'écrasement des marées hautes, montait chez la demoiselle, ainsi qu'ils la nommaient. Mais elle adorait surtout les enfants, les petits aux culottes percées, laissant voir leurs chairs roses, les petites blêmies, ne mangeant pas à leur faim, dévorant des yeux les tartines qu'elle leur distribuait. Et les parents finauds spéculaient sur cette tendresse, lui envoyaient leur marmaille, les plus troués, les plus chétifs, pour l'apitoyer davantage.

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