La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°754)

Chapitre IV

Il s'était penché, pour la baiser au front, comme sa femme. Et il s'écarta, car les larmes l'étouffaient. L'idée lui venait de préparer au moins une potion calmante, en attendant le médecin. La petite pharmacie de la jeune fille était là, dans un étroit placard. Seulement, il craignait de se tromper, il l'interrogea sur les flacons, finit par verser quelques gouttes de morphine dans un verre d'eau sucrée. Lorsqu'elle en avalait une cuillerée, la douleur était si vive, qu'il hésitait chaque fois à lui en donner une autre. Ce fut tout, il se sentait impuissant à essayer davantage. Son attente devenait horrible. Quand il ne pouvait plus la voir souffrir, les jambes cassées d'être debout devant le lit, il rouvrait ses livres, croyant qu'il allait enfin trouver le cas et le remède. Etait-ce donc une angine couenneuse ? pourtant, il n'avait pas remarqué de fausses membranes sur les piliers du voile du palais ; et il s'entêtait dans la lecture de la description et du traitement de l'angine couenneuse, perdu au fil de longues phrases dont le sens lui échappait, appliqué à épeler les détails inutiles, comme un enfant qui apprendde mémoire une leçon obscure. Puis, un soupir le ramenait près du lit, frémissant, la tête bourdonnante de mots scientifiques, dont les syllabes rudes redoublaient son anxiété.

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