La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°861)

Chapitre V

Dès ce moment, madame Chanteau ne se retenait plus. Oui, ils étaient les victimes de leur bon cœur. Est-ce qu'ils avaient eu besoin de quelqu'un pour vivre, avant l'arrivée de Pauline ? Où serait-elle à présent, dans quel coin du pavé de Paris, s'ils n'avaient pas consenti à la prendre ? Et l'on était bien venu, en vérité, de causer de son argent : un argent dont eux, personnellement, n'avaient eu qu'à souffrir ; un argent qui semblait avoir apporté la ruine dans la maison. Car, enfin, les faits parlaient assez haut : jamais son fils ne se serait embarqué dans cette stupide exploitation des algues, jamais il n'aurait perdu son temps à vouloir empêcher la mer d'écraser Bonneville, sans cette Pauline de malheur qui lui tournait la tête. Tant pis pour elle, si elle y avait laissé des sous ! lui, le pauvre garçon, y avait bien laissé de sa santé et de son avenir ! Madame Chanteau netarissait pas en rancune contre les cent cinquante mille francs dont son secrétaire gardait la fièvre. C'étaient les grosses sommes englouties, les petites sommes prises encore chaque jour et agrandissant le trou, qui la jetaient ainsi hors d'elle, comme si elle sentait là le ferment mauvais, où s'était décomposée son honnêteté. Aujourd'hui, la décomposition était faite, elle exécrait Pauline, de tout l'argent qu'elle lui devait.

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