La Terre

La Terre (paragraphe n°1012)

Chapitre V

Or, justement, le lendemain, monsieur de Chédeville, député sortant, déjeunait à la Borderie, chez Hourdequin. Il faisait sa tournée électorale et il ménageait ce dernier, très puissant sur les paysans du canton, bien qu'il fût certain d'être réélu, grâce à son titre de candidat officiel. Il était allé une fois à Compiègne, tout le pays l'appelait " l'ami de l'empereur ", et cela suffisait : on le nommait, comme s'il eût couché chaque soir aux Tuileries. Ce monsieur de Chédeville, un ancien beau, la fleur du règne de Louis-Philippe, gardait au fond du cœur des tendresses orléanistes. Il S'était ruiné avec les femmes, il ne possédait plus que sa ferme de la Chamade, du côté d'Orgères, où il ne mettait les pieds qu'en temps d'élection, mécontent du reste des fermages qui baissaient, pris sur le tard de l'idée pratique de refaire sa fortune dans les affaires. Grand, élégant encore, le buste sanglé et les cheveux teints, il se rangeait, malgré ses yeux de braise au passage du dernier des jupons ; et il préparait, disait-il, des discours importants sur les questions agricoles.

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