La Terre

La Terre (paragraphe n°1377)

Partie : TROISIEME PARTIE, chapitre I

Certainement, Lise et Françoise ne s'adoraient plus de leur grande tendresse d'autrefois. Personne maintenant ne les rencontrait, les bras à la taille, enveloppées du même châle, se promenant dans la nuit tombante. On les avait comme séparées, une froideur grandissait entreelles. Depuis qu'un homme était là, il semblait à Françoise qu'on lui prenait sa sœur. Elle qui, auparavant, partageait tout avec Lise, ne partageait pas cet homme ; et il était ainsi devenu la chose étrangère, l'obstacle qui lui barrait le cœur où elle vivait seule. Elle s'en allait sans embrasser son aînée, quand Buteau l'embrassait, blessée, comme si quelqu'un avait bu dans son verre. En matière de propriété, elle gardait ses idées d'enfant, elle apportait une passion extraordinaire : ça, c'est à moi, ça, c'est à toi ; et, puisque sa sœur était désormais à un autre, elle la laissait, mais elle voulait ce qui était à elle, la moitié de la terre et de la maison.

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