La Terre

La Terre (paragraphe n°1378)

Partie : TROISIEME PARTIE, chapitre I

Dans cette colère de Françoise, il y avait une autre cause, qu'elle-même n'aurait pu dire. Jusque-là, glacée par le veuvage du père Mouche, la maison, où l'on ne s'aimait pas, n'avait eu pour elle aucun souffle troublant. Et voilà qu'un mâle l'habitait, un mâle brutal, habitué à trousser les filles au fond des fossés, et dont les rigolades secouaient les cloisons, haletaient à travers les fentes des boiseries. Elle savait tout, instruite par les bêtes, elle en était dégoûtée et exaspérée. Dans la journée, elle préférait sortir, pour les laisser faire leur cochonnerie à l'aise. Le soir, s'ils commençaient à rire en quittant la table, elle leur criait d'attendre au moins qu'elle eût fini la vaisselle. Et elle gagnait sa chambre, fermant les portes violemment, bégayant des insultes : Salops ! salops ! entre ses dents serrées. Malgré tout, elle croyait entendre encore ce qui se passait en bas. La tête enfoncée dans l'oreiller, le drap tiré jusqu'aux yeux, elle brûlait de fièvre, l'ouïe et la vue hantées d'hallucinations, souffrant des révoltes de sa puberté.

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