La Terre

La Terre (paragraphe n°1689)

Partie : TROISIEME PARTIE, chapitre IV

Dès la seconde semaine du mois d'août, la besogne s'avança. Les faucheurs étaient partis des pièces au nord, descendant vers celles qui bordaient la vallée de l'Aigre ;et, gerbe à gerbe, la nappe immense tombait, chaque coup de faux mordait, emportait une entaille ronde. Les insectes grêles, noyés dans ce travail géant, en sortaient victorieux. Derrière leur marche lente, en ligne, la terre rase reparaissait, les chaumes durs, au travers desquels piétinaient les ramasseuses, la taille cassée. C'était l'époque où la grande solitude triste de la Beauce s'égayait le plus, peuplée de monde, animée d'un continuel mouvement de travailleurs, de charrettes et de chevaux. A perte de vue, des équipes manœuvraient du même train oblique, du même balancement des bras, les unes si voisines, qu'on entendait le sifflement du fer, les autres en traînées noires, ainsi que des fourmis, jusqu'au bord du ciel. Et, en tous sens, des trouées s'ouvraient, comme dans une étoffe mangée, cédant de partout. La Beauce, lambeau à lambeau, au milieu de cette activité de fourmilière, perdait son manteau de richesse, cette unique parure de son été, qui la laissait d'un coup désolée et nue.

?>