La Terre

La Terre (paragraphe n°207)

Chapitre II

Et une autre querelle s'éternisa. La vie des deux vieux fut fouillée, étalée, discutée besoin par besoin. On pesa le pain, les légumes, la viande ; on estima les vêtements, rognant sur la toile et sur la laine ; on descendit même aux petites douceurs, au tabac à fumer du père, dont les deux sous quotidiens, après des réclamations interminables, furent fixés à un sou. Lorsqu'on ne travaillait plus, il fallait savoir se réduire. Est-ce que la mère, elle aussi, ne pouvait se passer de café noir ? C'était comme leur chien, un vieux chien de douze ans qui mangeait gros, sans utilité : il y avait beau temps qu'on aurait dû lui allonger un coup de fusil.Quand le calcul se trouva terminé, on le recommença, on chercha ce qu'on allait supprimer encore, deux chemises, six mouchoirs par an, un centime sur ce qu'on avait mis par jour pour le sucre. Et, en taillant et retaillant, en épuisant les économies infimes, on arriva de la sorte à un chiffre de cinq cent cinquante et quelques francs, ce qui laissa les enfants agités, hors d'eux, car ils s'entêtaient à ne pas dépasser cinq cents francs tout ronds.

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