La Terre

La Terre (paragraphe n°2186)

Chapitre II

Ce fut, pour Fouan, une vraie lune de miel. On le fêtait, on le montrait aux voisins : hein ? quelle mine de prospérité ! avait-il l'air de dépérir ? Les petits, Laure et Jules, toujours dans ses jambes, l'occupaient, le chatouillaient au cœur. Mais il était surtout heureux de retourner à ses manies de vieil homme, d'être plus fibre, dans le laisser-aller plus grand de la maison. Quoique bonne ménagère, et propre, Lise n'avait pas les raffinements ni les susceptibilités de Fanny, et il pouvait cracher partout, sortir, rentrer à sa guise, manger à chaque minute, par cette habitude du paysan qui ne passe pas devant le pain sans y tailler une tartine, au gré des heures de travail. Trois mois s'écoulèrent ainsi, on était en décembre, des froids terribles gelaient l'eau de sa cruche, au pied de son lit ; mais il ne se plaignait pas, les dégels même avaient beau tremper la pièce, en faire ruisseler les murs, comme sous une pluie battante, il trouvait ça naturel, il avait vécu dans cette rudesse. Pourvu qu'il eût son tabac, son café, et qu'on ne le taquinât point, disait-il, le roi n'était pas son oncle.

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