La Terre

La Terre (paragraphe n°2191)

Chapitre II

Depuis les couches de Lise et la bataille avec Jean, Buteau s'était de nouveau enragé après Françoise. Il avait attendu que son bras cassé fût solide, il sautait sur elle, maintenant, dans tous les coins de la maison, certain que s'il l'avait une fois, elle serait ensuite à lui tant qu'il voudrait. N'était-ce pas la meilleure façon de reculer le mariage, de garder la fille et de garder la terre ? Ces deux passions arrivaient même à se confondre, l'entêtement à ne rien lâcher de ce qu'il tenait, la possession furieuse de ce champ, le rut inassouvi du mâle, fouetté par la résistance. Sa femme devenait énorme, un tas à remuer ; et elle nourrissait, elle avait toujours Laure pendue aux tétines ; tandis que l'autre, la petite belle-sœur, sentait bon la chair jeune, de gorge aussi élastique et ferme que les pis d'une génisse. D'ailleurs, il ne crachait pas plus surl'une que sur l'autre : ça lui en ferait deux, une molle et une dure, chacune agréable dans son genre. Il était assez bon coq pour deux poules, il rêvait une vie de pacha, soigné, caressé, gorgé de jouissance. Pourquoi n'aurait-il pas épousé les deux sœurs, si elles y consentaient ? Un vrai moyen de resserrer l'amitié et d'éviter le partage des biens, dont il s'épouvantait, comme si on l'avait menacé de lui couper un membre !

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