La Terre

La Terre (paragraphe n°2210)

Chapitre II

Mais, dès ce jour, la vie se gâta davantage, Françoise devint le souffre-douleur, la bête sur qui l'on tapait. Elle était rabaissée au rôle de servante, écrasée de gros travaux, continuellement grondée, bousculée, meurtrie. Lise ne lui tolérait plus une heure de flâne, la faisait sauter du lit avant l'aube, la gardait si tard, la nuit, que la malheureuse, parfois, s'endormait, sans avoir la force de se déshabiller. Sournoisement, Buteau la martyrisait de petites privautés, des claques sur les reins, des pinçons aux cuisses, toutes sortes de caresses féroces, qui la laissaient en sang, les yeux pleins de larmes, raidie dans son obstination de silence. Lui, ricanait, s'y contentait un peu, quand il la voyait défaillir, en retenant le cri de sa chair blessée. Elle en avait le corps bleui, zébré d'éraflures et de contusions. Devant sa sœur, elle mettait surtout son courage à ne pas même tressaillir, pour nier le fait, comme s'il n'eût pas été vrai que ces doigts d'homme lui fouillaient la peau. Cependant, elle n'était pas toujours maîtresse de la révolte de ses muscles, elle répondait par un soufflet, à la volée ; et, alors, il y avait des batailles, Buteau la rossait, tandis que Lise, sous prétexte de les séparer, cognait sur les deux, à grands coups de sabot. La petite Laure et son frère Jules poussaient des hurlements. Tous les chiens d'alentour aboyaient, ça faisait pitié auxvoisins. Ah ! la pauvre enfant, elle avait de la constance, de rester dans cette galère !

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