La Terre

La Terre (paragraphe n°2222)

Chapitre II

Lorsque Jean sut comment le traitait Buteau, il parla de lui casser la gueule ; et il guettait toujours Françoise, il la suppliait de céder : on verrait bien s'il ne lui collait pas un enfant, et un gros ! Son désir, maintenant, se doublait de colère. Mais, chaque fois, elle trouvait une nouvelle excuse, dans l'ennui qu'elle éprouvait à l'idée derecommencer ça, avec ce garçon. Elle ne le détestait pas, elle n'avait pas envie de lui, simplement ; et il fallait qu'elle ne le désirât vraiment guère, pour ne point défaillir et se livrer, lorsqu'elle tombait entre ses bras, derrière une haie, encore furieuse et rouge d'une attaque de Buteau. Ah ! le cochon ! Elle ne parlait que de ce cochon-là, passionnée, excitée, tout d'un coup refroidie, dès que l'autre voulait profiter et la prendre. Non, non, ça lui faisait honte ! Un jour, poussée à bout, elle le remit à plus tard, au soir de leur mariage. C'était la première fois qu'elle s'engageait, car elle avait évité jusque-là de répondre nettement, quand il la demandait pour femme. Dès lors, ce fut comme entendu : il l'épouserait, mais après sa majorité, aussitôt qu'elle serait maîtresse de son bien et qu'elle pourrait exiger des comptes. Cette bonne raison le frappa, il lui prêcha la patience, il cessa de la tourmenter, excepté dans les moments où l'idée de rire le tenait trop fort. Elle, soulagée, tranquillisée par le vague de cette échéance lointaine, se contentait de lui saisir les deux mains pour l'empêcher, en le regardant de ses jolis yeux suppliants, d'un air de femme susceptible qui ne désirait risquer d'avoir un petit que de son homme.

?>