La Terre

La Terre (paragraphe n°247)

Chapitre III

En 93, ce Joseph-Casimir avait vingt-sept ans ; et, le jour où ce qu'il restait du domaine fut déclaré bien national et vendu par lots aux enchères, il brûla d'en acquérir quelques hectares. Les Rognes-Bouqueval, ruinés, endettés, après avoir laissé crouler la dernière tour du château, abandonnaient depuis longtemps à leurs créanciers les fermages de la Borderie, dont les trois quarts des cultures demeuraient en jachères. Il y avait surtout, à côté d'une de ses parcelles, une grande pièce que le paysan convoitait avec le furieux désir de sa race. Mais les récoltes étaient mauvaises, il possédait à peine, dans un vieux pot, derrière son four, cent écus d'économies ; et, d'autre part, si la pensée lui était un moment venue d'emprunter à un prêteur de Cloyes, une prudence inquiète l'en avait détourné : ces biens de nobles lui faisaient peur ; qui savait si on ne les reprendrait pas, plus tard ? De sorte que, partagé entre son désir et sa méfiance, il eut le crève-cœur de voir, aux enchères, la Borderie achetée le cinquième de sa valeur, pièce à pièce, par un bourgeois de Châteaudun, Isidore Hourdequin, ancien employé des gabelles.

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