La Terre

La Terre (paragraphe n°3040)

Chapitre III

L'erreur de Jacqueline, dans son triomphe, fut alors de croire qu'elle pouvait tout risquer. Elle signifia à Hourdequin qu'après des vexations pareilles, dont le pays clabaudait, elle se devait de le quitter, s'il ne l'épousait pas. Même elle commença à faire sa malle. Mais le fermier, encore bouleversé de sa rupture avec son fils, d'autant plus furieux qu'il se donnait secrètement tort et que son cœur saignait, faillit l'assommer d'une paire de gifles ; et elle ne parla plus de partir, elle comprit qu'elle s'était trop pressée. Maintenant, du reste, elle était la maîtresse absolue, couchant ouvertement dans la chambre conjugale, mangeant à part avec le maître, commandant, réglant les comptes, ayant les clefs de la caisse, si despotique, qu'il la consultait sur les décisions à prendre. Il déclinait, très vieilli, elle espérait bien vaincre ses révoltes dernières, l'amener au mariage, quand elle aurait achevé de l'user. En attendant, comme il avait juré de déshériter son fils, dans le coup de sa colère, elle travaillait pour le décider à un testament en sa faveur ; et elle se croyait déjà propriétaire de la ferme, car elle lui en avait arraché la promesse, un soir, au lit.

?>