La Terre

La Terre (paragraphe n°3058)

Chapitre III

La vérité était que, lorsque Françoise rencontrait ainsi Buteau, surtout seul, elle en demeurait bouleversée. Depuis deux ans, elle ne lui adressait plus la parole. Maiselle ne pouvait le voir, sans en éprouver un élancement dans tout son corps. C'était peut-être bien de la colère, peut-être bien autre chose aussi. A plusieurs reprises, sur ce même chemin, comme elle se rendait à sa luzernière, elle l'avait de la sorte aperçu devant elle. Il tournait la tête, deux, trois fois, pour la regarder de son œil gris, taché de jaune. Un petit frisson la prenait, elle hâtait le pas malgré son effort, tandis qu'il ralentissait le sien ; et elle passait à son côté, leurs yeux se fouillaient une seconde. Puis, elle avait le trouble de le sentir derrière son dos, elle se raidissait, ne savait plus marcher. Lors de leur dernière rencontre, elle s'était effarée au point de s'étaler tout de son long, embarrassée par son ventre de femme grosse, en voulant sauter de la route dans sa luzerne. Lui, avait éclaté de rire.

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