La Terre

La Terre (paragraphe n°3074)

Chapitre III

Buteau marchait sur Françoise, et celle-ci, à le voir, la face dure, les bras raidis, crut qu'il venait la battre. Ellen'avait pas lâché sa faux, mais elle tremblait ; déjà, d'ailleurs, il en tenait le manche ; il la lui arracha, la jeta dans la luzerne. Pour lui échapper, elle n'eut plus qu'à s'en aller à reculons, elle passa ainsi dans le champ voisin, se dirigea vers la meule qui s'y trouvait, comme si elle eût espéré s'en faire un rempart. Lui, ne se hâtait point, semblait également la pousser là, les bras peu à peu ouverts, la face détendue par un rire silencieux qui découvrait ses gencives. Et, tout d'un coup, elle comprit qu'il ne voulait pas la battre. Non ! il voulait autre chose, la chose qu'elle lui avait refusée si longtemps. Alors, elle trembla davantage, quand elle sentit sa force l'abandonner, elle vaillante, qui tapait dur autrefois, en jurant que jamais il n'y arriverait. Pourtant, elle n'était plus une gamine, elle avait eu vingt-trois ans à la Saint-Martin, une vraie femme à cette heure, la bouche rouge encore et les yeux larges, pareils à des écus. C'était en elle une sensation si tiède et si molle, que ses membres lui semblaient s'en engourdir.

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