La Terre

La Terre (paragraphe n°3120)

Chapitre IV

Longtemps, le tambour résonna. C'était un nouveau, un neveu à Macqueron, de retour du service, et qui tapait comme s'il eût conduit un régiment au feu. Tout Rognes en était révolutionné, car les nouvelles circulant depuis quelques jours, la menace d'une guerre prochaine, aggravaient, cette année-là, l'émotion toujours si vive du tirage au sort. Merci ! pour aller se faire casser la tête par les Prussiens ! Il y avait neuf garçons du pays qui tiraient, ce qui ne s'était jamais vu peut-être. Et parmi eux, se trouvaient Nénesse et Delphin, autrefois inséparables, séparés aujourd'hui que le premier servait à Chartres, chez un restaurateur. La veille, Nénesse étant venu coucher à la ferme de ses parents, Delphin l'avait à peine reconnu, tant il était changé : un vrai monsieur, avec une canne, un chapeau de soie, une cravate bleu de ciel, serrée dans une bague ; et il se faisait habiller par un tailleur, il plaisantait les complets de Lambourdieu. Au contraire, l'autre s'était épaissi, les membres gourds, la tête cuite sous le soleil, poussé en force, ainsi qu'une plante du sol. Tout de suite, d'ailleurs, ils avaient renoué. Après qu'ils eurent passé ensemble une partie de la nuit, ils arrivèrent bras dessus bras dessous devant l'école, à l'appel du tambour, dont les roulements ne cessaient pas, entêtés, obsédants.

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