La Terre

La Terre (paragraphe n°3157)

Chapitre IV

En effet, depuis deux ans et demi qu'il desservait cette paroisse, l'abbé Madeline ne faisait que décliner. La nostalgie, le regret désespéré de ses montagnes d'Auvergne l'avait rongé un peu chaque jour, en face de cette plate Beauce, dont le déroulement à l'infini noyait son cœur de tristesse. Pas un arbre, pas un rocher, des mares d'eau saumâtre, au lieu des eaux vives, qui, là-haut, ruissellent en cascades. Ses yeux pâlissaient, il s'était décharné davantage, on disait qu'il s'en allait de la poitrine. Encore s'il avait trouvé quelque consolation près de ses paroissiennes ! Mais, au sortir de son ancienne cure si croyante, ce nouveau pays gâté par l'irréligion,respectueux des seules pratiques extérieures, le bouleversait dans la timidité inquiète de son âme. Les femmes l'étourdissaient de cris et de querelles, abusaient de sa faiblesse, au point de diriger le culte à sa place, ce dont il restait effaré, plein de scrupules, toujours sous la crainte de pécher sans le vouloir. Un dernier coup lui était réservé : le jour de la Noël, une des filles de la Vierge fut prise des douleurs de l'enfantement dans l'église. Et, depuis ce scandale, il traînait, on s'était résigné à le remporter en Auvergne, mourant.

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