La Terre

La Terre (paragraphe n°3229)

Chapitre IV

Flore remonta du vin, mais on eut beau trinquer de nouveau, des injures et des gifles restaient dans l'air. Pas un n'aurait lâché pour aller dîner. Quand on boit, on n'a pas faim. Les conscrits entonnèrent un chant patriotique, accompagné de tels coups de poing sur les tables, que les trois lampes à pétrole clignotaient en crachant leur fumée âcre. On étouffait. Delhomme et Clou se décidèrent à ouvrir la fenêtre, derrière eux. Et ce fut à ce moment que Buteau entra, se glissa dans un coin. Il n'avait pas son air provocant d'habitude, il promenait ses petits yeux troubles, regardait les gens l'un après l'autre. Sans doute il venait aux nouvelles, ayant le besoin de savoir, ne pouvant plus tenir chez lui, où il vivait enfermé depuis la veille. La présence de Jésus-Christ et de Canon parut l'impressionner, au point qu'il ne leur chercha pas querelle d'avoir soûlé le père Fouan. Longtemps aussi, il sonda Delhomme. Mais Bécu endormi, que l'affreux tapage ne réveillait pas, le préoccupait surtout. Dormait-il ou faisait-il le malin ? Il le poussa du coude, il se tranquillisa un peu en remarquant qu'il bavait le long desa manche. Toute son attention, alors, se concentra sur le maître d'école, dont le visage le frappait, extraordinaire. Qu'avait-il donc à n'avoir pas sa figure de tous les jours ?

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