La Terre

La Terre (paragraphe n°3261)

Chapitre IV

Sacrés lâches, oui ! les paysans, tous les paysans !... Quand on songe que vous êtes les plus nombreux, et que vous vous laissez manger par les bourgeois et par les ouvriers des villes ! Nom de Dieu ! je n'ai qu'un regret, celui d'avoir un père et une mère paysans : c'est pour ça peut-être que vous me dégoûtez davantage... Car, il n'y a pas à dire, vous seriez les maîtres. Seulement, voilà ! vous ne vous entendez guère ensemble, isolés, méfiants, ignorants ; vous mettez toute votre canaillerie à vous dévorer entre vous... Hein ? qu'est-ce que vous cachez, dans votre eau dormante ? Vous êtes donc comme les mares qui croupissent ? on les croit profondes, on ne peut pas y noyer un chat. Etre la force sourde, la force dont on attend l'avenir, et ne pas plus grouiller qu'une bûche !... Avec ça, l'exaspérant, c'est que vous avez cessé de croire aux curés. Alors, s'il n'y a pas de bon Dieu, qu'est-ce qui vous gêne ? Tant que la peur de l'enfer vous a tenus, on comprend que vous soyez restés à plat ventre ; mais, maintenant, allez donc ! pillez tout, brûlez tout !... Et, en attendant, ce qui seraitplus facile et plus drôle, mettez-vous en grève. Vous avez tous des sous, vous vous entêterez aussi longtemps qu'il faudra. Ne cultivez que pour vos besoins, ne portez plus rien au marché, pas un sac de blé, pas un boisseau de pommes de terre. Ce qu'on crèverait à Paris ! quel nettoyage, nom de Dieu !

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