La Terre

La Terre (paragraphe n°3284)

Chapitre V

Jean piétinait, au milieu de la famille, l'air perdu, ne sachant que faire de ses membres. D'abord, la maison, les meubles, le corps de Françoise avaient paru à lui. Mais, à mesure que les heures s'écoulaient, tout cela se détachait de sa personne, semblait passer aux autres. Quand la nuit tomba, personne ne lui adressait plus la parole, il n'était plus là qu'en intrus toléré. Jamais il n'avait eu si pénible la sensation d'être un étranger, de n'avoir pas un des siens, parmi ces gens, tous alliés, tous d'accord, dès qu'il s'agissait de l'exclure. Jusqu'à sa pauvre femme morte qui cessait de lui appartenir, au point que Fanny, comme il parlait de veiller près du corps, avait voulu le renvoyer, sous le prétexte qu'on était trop de monde. Il s'était obstiné pourtant, il avait même eu l'idée de prendre l'argent dans la commode, les cent vingt-sept francs, pour être certain qu'ils ne s'envoleraient pas. Lise, dès son arrivée, en ouvrant le tiroir, devait les avoir vus, ainsi que la feuille de papier timbré, car elle s'était mise à chuchoter vivement avec la Grande ; et c'était depuis lors, qu'elle se réinstallait si à l'aise, certaine qu'il n'existait point de testament. L'argent, elle ne l'aurait toujours pas. Dans l'appréhension du lendemain, Jean se disait qu'il tiendrait au moins ça. Il avait ensuite passé la nuit sur une chaise.

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