La Terre

La Terre (paragraphe n°3331)

Chapitre V

Ce que Jacqueline ne disait pas, n'y songeant plus, c'était le renvoi du berger Soulas, qu'elle avait obtenu la veille. Elle l'accusait d'être trop vieux, de ne point suffire, enragée de le trouver sans cesse derrière son dos, à l'espionner ; et Hourdequin, bien que n'étant pas de son avis, avait cédé, tellement il pliait sous elle maintenant, dompté, réduit à lui acheter des nuits heureuses par une soumission d'esclave. Soulas, congédié avec de bonnes paroles et des promesses, regardait le maître fixement de ses yeux pâles. Puis, lentement, il s'était mis à lâcher son paquet sur la garce, cause de son malheur : la galopée des mâles, Tron après tant d'autres, et l'histoire de ce dernier, et le rut insolent, impudent, à la connaissance de tous ; si bien que, dans le pays, on disait que le maître devait aimer ça, les restes de valet. Vainement, le fermier, éperdu, tâchait de l'interrompre, car il tenait à son ignorance, il ne voulait plus savoir, dans la terreur d'être forcé de la chasser : le vieux était allé jusqu'au bout, sans omettre une seule des fois qu'il les avait surpris, méthodique, le cœur peu à peu soulagé, vidé de sa longue rancune. Jacqueline ignorait cette délation, Hourdequin s'étant sauvé à travers champs, avec la crainte de l'étrangler, s'il la revoyait ; ensuite, au retour, il avait simplement renvoyé Tron, sous le prétexte qu'il laissait la cour dans un état de saleté épouvantable. Alors, elle avait bien eu un soupçon ; mais elle ne s'était pas risquée à défendre le vacher, obtenant qu'il coucherait encore cette nuit-là, comptant arranger l'affaire le lendemain, pour le garder. Et tout cela, à cette heure, restait trouble, dans le coup du destin qui détruisait ses dix années de laborieux calculs.

?>