La Terre

La Terre (paragraphe n°3447)

Chapitre V

Lise suivit Buteau, les bras tendus, de crainte de se cogner. Ils ne sentaient plus le froid, leur chemise les gênait. La chandelle était par terre, dans un coin de la chambre du vieux. Mais elle éclairait assez pour qu'on le distinguât, allongé sur le dos, la tête glissée de l'oreiller. Il était si raidi, si décharné par l'âge, qu'on l'aurait cru mort, sans le râle pénible qui sortait de sa bouche largement ouverte. Les dents manquaient, il y avait là un trou noir, où les lèvres semblaient rentrer, un trou sur lequel tous les deux se penchèrent, comme pour voir ce qu'il restait de vie au fond. Longuement, ils regardaient, côte à côte, se touchant de la hanche. Mais leurs bras mollissaient, c'était très facile et si lourd pourtant, de prendre n'importe quoi, de boucher le trou. Ils s'en allèrent, ils revinrent. Leur langue sèche n'aurait pu prononcer un mot, leurs yeux seuls se parlaient. D'un regard, elle lui avait montré l'oreiller : allons donc ! qu'attendait-il ? Et lui battait des paupières, la poussait à sa place. Brusquement, Lise exaspérée empoigna l'oreiller, le tapa sur la face du père.

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