La Terre

La Terre (paragraphe n°3474)

Chapitre VI

Lorsque, vers neuf heures, Jean eut sauté du lit, il se trempa la tête dans une cuvette d'eau froide. Brusquement, il prit une résolution : il ne conterait rien, il ne ferait pas même de procès pour ravoir la moitié des meubles. Le jeu n'en vaudrait décidément pas la chandelle. Une fierté le remettait d'aplomb, content de ne point en être, de ces coquins, d'être l'étranger. Ils pouvaient bien se dévorer entre eux : un fameux débarras, s'ils s'avalaient tous ! La souffrance, le dégoût des dix années passées à Rognes, lui remontaient de la poitrine en un flot de colère. Dire qu'il était si joyeux, le jour où il avait quitté le service, après la guerre d'Italie, à l'idée de n'être plus un traîneur de sabre, un tueur de monde ! Et, depuis cette époque, il vivait dans de sales histoires, au milieu de sauvages. Dès son mariage, il en avait eu gros sur le cœur ; mais les voilà qui volaient, qui assassinaient, maintenant ! De vrais loups, lâchés au travers de la plaine, si grande, si calme ! Non, non ! c'était assez, ces bêtes dévorantes lui gâtaient la campagne ! Pourquoi en faire traquer un couple, la femelle et le mâle, lorsqu'on aurait dû détruire la bande entière ? Il préférait partir.

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