La Terre

La Terre (paragraphe n°3475)

Chapitre VI

A ce moment, un journal que Jean avait monté la veille du cabaret, lui retomba sous les yeux. Il s'était intéressé à un article sur la guerre prochaine, ces bruits de guerre qui circulaient et épouvantaient depuis quelques jours ; et ce qu'il ignorait encore au fond de lui, ce que la nouvelle y avait éveillé d'inconscient, toute une flamme mal éteinte, renaissante, se ralluma d'un coup. Sa dernièrehésitation à partir, la pensée qu'il ne savait où aller, en fut emportée, balayée comme par un grand souffle de vent. Eh donc ! il irait se battre, il se réengagerait. Il avait payé sa dette ; mais, quoi ? lorsqu'on n'a plus de métier, lorsque la vie vous embête et qu'on rage d'être taquiné par les ennemis, le mieux est encore de cogner sur eux. Tout un allégement, toute une joie sombre le soulevait. Il s'habilla, en sifflant fortement la sonnerie des clairons qui le menait à la bataille, en Italie. Les gens étaient trop canailles, ça le soulageait, l'espoir de démolir des Prussiens ; et, puisqu'il n'avait pas trouvé la paix dans ce coin, où les familles se buvaient le sang, autant valait-il qu'il retournât au massacre.

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