La Terre

La Terre (paragraphe n°3487)

Chapitre VI

Derrière l'église, le cimetière s'ouvrait, enclos d'un petit mur à moitié détruit, si bas, que, du milieu des tombes, le regard allait librement d'un bout à l'autre de l'horizon. Un pâle soleil de mars blanchissait le ciel, voilé de vapeurs, d'une finesse de soie blanche, à peine avivée d'une pointe de bleu ; et, sous cette lumière douce, la Beauce, engourdie des froids de l'hiver, semblait s'attarder au sommeil, comme ces dormeuses qui ne dorment plus tout à fait, mais qui évitent de remuer, pour jouir de leur paresse. Les lointains se noyaient, la plaine en semblait élargie, étalant les carrés déjà verts des blés, des avoines et des seigles d'automne ; tandis que, dans les labours restés nus, on avait commencé les semaines de printemps. Partout, au milieu des mottes grasses, des hommes marchaient, avec le geste, l'envolée continue de la semence. On la voyait nettement, dorée, ainsi qu'une poussière vivante, s'échapper du poing des semeurs les plus proches. Puis, les semeurs se rapetissaient, se perdaient à l'infini, et elle les enveloppait d'une onde, elle ne semblait être, tout au loin, que la vibration même de lalumière. A des lieues, aux quatre points de l'étendue sans borne, la vie de l'été futur pleuvait dans le soleil.

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