La Terre

La Terre (paragraphe n°523)

Chapitre V

Parfois, on disait des contes : celui du Cochon noir, qui gardait un trésor, une clef rouge à la gueule ; ou encore celui de la bête d'Orléans, qui avait la face d'un homme, des ailes de chauve-souris, des cheveux jusqu'à terre, deux cornes, deux queues, l'une pour prendre, l'autre pour tuer ; et ce monstre avait mangé un voyageur rouennais, dont il n'était resté que le chapeau et les bottes. D'autres fois, on entamait les histoires sans fin sur les loups, les loups voraces, qui, pendant des siècles, ont dévasté la Beauce. Anciennement, lorsque la Beauce, aujourd'hui nue et pelée, gardait de ses forêts premières quelques bouquets d'arbres, des bandes innombrables de loups, poussées par la faim, sortaient l'hiver pour se jeter sur les troupeaux. Des femmes, des enfants étaient dévorés. Et les vieux du pays se rappelaient que, pendant les grandes neiges, les loups venaient dans les villes : à Cloyes, on les entendait hurler sur la place Saint-Georges ; à Rognes, ils soufflaient sous les portes mal closes des étables et des bergeries. Puis, les mêmes anecdotes se succédaient : le meunier, surpris par cinq grands loups, qui les mit en fuite en enflammant une allumette ; la petite fille qu'une louve accompagna au galop pendant deux lieues, et qui fut mangée seulement à sa porte, lorsqu'elle tomba ; d'autres, d'autres encore, des légendes de loups-garous, d'hommes changés en bêtes, sautant sur les épaules des passants attardés, les forçant à courir, jusqu'à la mort.

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