La Terre

La Terre (paragraphe n°654)

Chapitre I

En terminant son inspection par la bergerie, Hourdequin eut l'idée d'interroger le berger Soulas. Ce vieux de soixante-cinq ans était à la ferme depuis un demi-siècle, et il n'y avait rien amassé, mangé par sa femme, ivrognesse et catin, qu'il venait enfin d'avoir la joie de porter en terre. Il tremblait que son âge ne le fît congédier bientôt. Peut-être que le maître l'aiderait ; mais est-ce qu'on savait si les maîtres ne mourraient pas les premiers ? est-ce qu'ils donnaient jamais de quoi pour le tabac et la goutte ? D'ailleurs, il s'était fait une ennemie de Jacqueline, qu'il exécrait, d'une haine d'ancien serviteur jaloux, révolté par la fortune rapide de cette dernière venue. Quand elle le commandait, à cette heure, l'idée qu'il l'avait vue en guenilles, dans le crottin, le jetait hors de lui. Elle l'aurait certainement renvoyé, si elle s'en était senti la puissance ; et cela le rendait prudent, il voulait garder sa place, il évitait tout conflit, bien qu'il se crût certain de l'appui du maître.

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