La Terre

La Terre (paragraphe n°655)

Chapitre I

La bergerie, au fond de la cour, occupait tout le bâtiment, une galerie de quatre-vingts mètres, où les huit cents moutons de la ferme n'étaient séparés que par des claies : ici, les mères, en divers groupes ; là, les agneaux ; plus loin, les béliers. A deux mois, on châtrait les mâles, qu'on élevait pour la vente ; tandis qu'on gardait les femelles, afin de renouveler le troupeau des mères, dont on vendait chaque année les plus vieilles ; et les bélierscouvraient les jeunes, à des époques fixes, des dishleys croisés de mérinos, superbes avec leur air stupide et doux, leur tête lourde au grand nez arrondi d'homme à passions. Quand on entrait dans la bergerie, une odeur forte suffoquait, l'exhalaison ammoniacale de la litière, de l'ancienne paille sur laquelle on remettait de la paille fraîche pendant trois mois. Le long des murs, des crémaillères permettaient de hausser les râteliers, à mesure que la couche de fumier montait. Il y avait de l'air pourtant, de larges fenêtres, et le plancher du fenil, au-dessus, était fait de madriers mobiles, qu'on enlevait en partie, lorsque diminuait la provision des fourrages. On disait, du reste, que cette chaleur vivante, cette couche en fermentation, molle et chaude, était nécessaire à la belle venue des moutons.

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