La Terre

La Terre (paragraphe n°672)

Chapitre I

Ils étaient cinq, des gaillards efflanqués et jaunes, accroupis, avec leurs grands ciseaux d'acier luisant. Le berger, qui apportait les brebis, les quatre pieds fiés,pareilles à des outres, les rangeait sur la terre battue du hangar, où elles ne pouvaient plus que lever la tête, en bêlant. Et, lorsqu'un des tondeurs en saisissait une, elle se taisait, s'abandonnait, ballonnée par l'épaisseur de sa fourrure, que le suint et la poussière cuirassaient d'une croûte noire. Puis, sous la pointe rapide des ciseaux, la bête sortait de la toison comme une main nue d'un gant sombre, toute rose et fraîche, dans la neige dorée de la laine intérieure. Serrée entre les genoux d'un grand sec, une mère, posée sur le dos, les cuisses écartées, la tête relevée et droite, étalait son ventre, qui avait la blancheur cachée, la peau frissonnante d'une personne qu'on déshabille. Les tondeurs gagnaient trois sous par bête, et un bon ouvrier pouvait en tondre vingt à la journée.

?>