La Terre

La Terre (paragraphe n°780)

Chapitre III

Et Jean, bientôt, en connut les moindres trous. Il aida à nettoyer la chambre du défunt, l'encoignure prise sur le grenier, simplement séparée par une cloison de planches, et dans laquelle il n'y avait qu'un ancien coffre, plein de paille, servant de lit, une chaise et une table. En bas, il ne dépassait point la cuisine, il évitait de suivre les deux sœurs dans leur chambre, dont la porte, toujours battante, laissait voir l'alcôve à deux lits, la grande armoire de noyer, une table ronde sculptée, superbe, sans doute une épave du château, volée autrefois. Il existait une autre pièce derrière celle-là, si humide, que le père avait préféré coucher en haut : on regrettait même d'y serrer les pommes de terre, car elles y germaient tout de suite. Mais c'était dans la cuisine qu'on vivait, dans cette vaste salle enfumée, où depuis trois siècles se succédaient les générations des Fouan. Elle sentait les longs labeurs, les maigres pitances, l'effort continu d'une race qui était arrivée tout juste à ne pas crever de faim, en se tuant de besogne, sans avoir jamais un sou de plus en décembre qu'en janvier. Une porte, ouvrant de plain-pied sur l'étable, mettait les vaches de compagnie avec le monde ; et, quand cette porte se trouvait fermée, on pouvait les surveiller encore, par une vitre enchâssée dans le mur. Ensuite, il y avait l'écurie, où Gédéon restait seul, puis un hangar et un bûcher ; de sorte qu'on n'avait pas à sortir, on filait partout. Dehors, la pluie entretenait la mare, quiétait la seule eau pour les bêtes et l'arrosage. Chaque matin, il fallait descendre à la fontaine, en bas, sur la route, chercher l'eau de la table.

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