Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°1484)

Chapitre XI

Le lendemain, ce fut dans cette maison morne, secouée par le grand vent, que Pascal voulut s'occuper, avec Clotilde, des préparatifs du départ. La vieille madame Rougon ne devait revenir que le dimanche, au moment des adieux. Quand Martine avait appris la séparation prochaine, elle était restée saisie, muette, les yeux allumés d'une courte flamme ; et, comme on l'avait renvoyée de la chambre, en disant qu'on se passerait d'elle, pour les malles, elle était retournée dans sa cuisine, elle s'y livrait à ses besognes ordinaires, en ayant l'air d'ignorer la catastrophe qui bouleversait leur ménage à trois. Mais, au moindre appel de Pascal, elle accourait si prompte, si leste, le visage si clair, si ensoleillé par son zèle à le servir, qu'elle semblait redevenir jeune fille. Lui, ne quitta donc pas Clotilde d'une minute, l'aidant, désirant se convaincre qu'elle emportait bien tout ce dont elle aurait besoin. Deux grandes malles étaient ouvertes, au milieu de la chambre en désordre ; des paquets, des vêtements traînaient partout ; c'était une visite, vingt fois reprise, des meubles, des tiroirs. Et, dans ce travail, cette préoccupation de ne rien oublier, il y avait comme un engourdissement de la douleur vive que l'un et l'autre éprouvaient au creux de l'estomac. Ils s'étourdissaient un instant : lui, très soigneux, veillait à ce qu'il n'y eût pas de place perdue, utilisait la case à chapeaux pour de menus chiffons, glissait des boites entre les chemises et les mouchoirs ; tandis qu'elle, décrochant les robes, les pliait sur le lit, en attendant de les mettre les dernières, dans le casier du haut. Puis, lorsque, un peu las, ils se relevaientet qu'ils se retrouvaient face à face, ils se souriaient d'abord, ils contenaient ensuite de brusques larmes, au souvenir de l'inévitable malheur qui les reprenait tout entiers. Mais ils restaient fermes, le cœur en sang. Mon Dieu ! c'était donc vrai qu'ils n'étaient déjà plus ensemble ? Et ils entendaient alors le vent, le vent terrible, qui menaçait d'éventrer la maison.

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