Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°1553)

Chapitre XII

Cependant, cette question de l'argent devenait pressante. Il s'entêtait à ne pas prendre un sou des cinq mille francs enfermés dans le secrétaire. Maintenant qu'il était seul, il avait une complète insouciance de la vie matérielle, il se serait contenté de pain et d'eau ; et, chaque fois que la servante lui demandait de quoi acheter du vin, de la viande, quelque douceur, il haussait les épaules : à quoi bon ? il restait une croûte de la veille, n'était-ce pas suffisant ? Mais elle, dans sa tendresse pour ce maître qu'elle sentait souffrir, se désolait de cette avarice plus rude que la sienne, de ce dénuement de pauvre homme où il s'abandonnait, avec la maison entière. On vivait mieux chez les ouvriers du faubourg. Aussi, pendant toute une journée, parut-elle en proie à un terrible combat intérieur. Son amour de chien docile luttait contre sa passion de l'argent, amassé sou à sou, caché quelque part, faisant des petits, comme elle disait. Elle aurait mieux aimé donner de sa chair. Tant que son maître n'avait pas souffert seul, l'idée ne lui était pas même venue de toucher à son trésor. Et ce fut un héroïsme extraordinaire, le matin où, poussée à bout, voyant sa cuisine froide et le buffet vide, elle disparut pendant une heure, puis rentra avec des provisions et la monnaie d'un billet de cent francs.

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