Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°1680)

Chapitre XII

Il se passionnait peu à peu, il en arrivait à oublier la mort prochaine, pour ne songer qu'à sa curiosité ardente de la vie. Et il ébauchait, d'un trait large, sa théorie dernière. L'homme baignait dans un milieu, la nature, qui irritait perpétuellement par des contacts les terminaisons sensitives des nerfs. De là, la mise en œuvre, non seulement des sens, mais de toutes les surfaces du corps, extérieures et intérieures. Or, c'étaient ces sensations qui en se répercutant dans le cerveau, dans la moelle, dans les centres nerveux, s'y transformaient en tonicité, en mouvements et en idées ; et il avait la conviction que se bien porter consistait dans le train normal de ce travail : recevoir les sensations, les rendre en idées et en mouvements, nourrir la machine humaine par le jeu régulier des organes. Le travail devenait ainsi la grande loi, le régulateur de l'univers vivant. Dès lors, il étaitnécessaire que, si l'équilibre se rompait, si les excitations venues du dehors cessaient d'être suffisantes, la thérapeutique en créât d'artificielles, de façon à rétablir la tonicité, qui est l'état de santé parfaite. Et il rêvait toute une médication nouvelle : la suggestion, l'autorité toute-puissante du médecin pour les sens ; l'électricité, les frictions, le massage pour la peau et les tendons ; les régimes alimentaires pour l'estomac ; les cures d'air, sur les hauts plateaux, pour les poumons ; enfin, les transfusions, les piqûres d'eau distillée pour l'appareil circulatoire. C'était l'action indéniable et purement mécanique de ces dernières qui l'avait mis sur la voie, il ne faisait qu'étendre à présent l'hypothèse, par un besoin de son esprit généralisateur, il voyait de nouveau le monde sauvé dans cet équilibre parfait, autant de travail rendu que de sensation reçue, le branle du monde rétabli dans son labeur éternel.

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