Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°1773)

Chapitre XIII

Sept heures sonnèrent à la pendule, et Clotilde tressaillit à ce tintement léger, dans le grand silence. Qui donc avait parlé ? Elle se rappela, elle regarda la pendule, dont le timbre avait sonné tant d'heures de joie. Cette pendule antique avait une voix chevrotante d'amie très vieille, qui les amusait, dans l'obscurité, quand ils veillaient, aux bras l'un de l'autre. Et, de tous les meubles, à présent, lui venaient des souvenirs. Leurs deux images lui semblèrent renaître, du fond argenté et pâle de la grande psyché : elles s'avançaient, indécises, presque confondues, avec un flottant sourire, comme aux jours ravis, où il l'amenait là, pour la parer de quelque bijou, un cadeau qu'il cachait depuis le matin, dans sa folie du don. C'était aussi la table où brûlaient les deux cierges, la petite table sur laquelle ils avaient fait leur dîner de misère, le soir qu'ils manquaient de pain et qu'elle lui avait servi un festin royal. Que de miettes de leur amour elle retrouverait dans la commode à marbre blanc, cerclé d'une galerie ! Quels bons rires ils avaient eus, sur la chaise longue, aux pieds raidis, quand elle y mettait ses bas et qu'il la taquinait ! Même de la tenture, de l'ancienne indienne rouge décolorée, devenue couleurd'aurore, un chuchotement lui arrivait, tout ce qu'ils s'étaient dit de frais et de tendre, les enfantillages infinis de leur passion, et jusqu'à l'odeur de sa chevelure, à elle, une odeur de violette, qu'il adorait. Alors, comme la vibration des sept coups de la pendule avait cessé, si longue en son cœur, elle ramena les yeux sur le visage immobile de Pascal, et de nouveau elle s'anéantit.

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