Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°1884)

Chapitre XIV

Doucement, Clotilde finit par s'asseoir près du berceau. Les flèches de soleil s'allongeaient d'un bout de la pièce à l'autre, la chaleur de l'ardente journée s'alourdissait, parmi l'ombre assoupie des volets clos ; et le silence de la maison semblait s'être élargi encore. Elle avait mis à part des petites brassières, elle recousait des cordons, d'une aiguille lente, peu à peu prise d'une songerie, au milieu de cette grande paix chaude qui l'enveloppait, dans l'incendie du dehors. Sa pensée, d'abord, retourna à ses pastels, les exacts et les chimériques, et elle se disait maintenant que toute sa dualité se trouvait dans cette passion de vérité qui la tenait parfois des heures entières devant une fleur, pour la copier avec précision, puis dans son besoin d'au-delà qui, d'autres fois, la jetait hors du réel, l'emportait en rêves fous, au paradis des fleurs incréées. Elle avait toujours été ainsi, elle sentait qu'au fond elle restait aujourd'hui ce qu'elle était la veille, sous le flot de vie nouveau qui la transformait sans cesse. Et sa pensée, alors, sauta à la gratitude profonde qu'elle gardait à Pascal de l'avoir faite ce qu'elle était. Jadis, lorsque, toute petite, l'enlevant à un milieu exécrable, il l'avait prise avec lui, il avait sûrement cédé à son bon cœur, mais sans doute aussi était-il désireux de tenter sur elle l'expérience de savoir comment elle pousserait dans un milieu autre, tout de vérité et de tendresse. C'était, chez lui, une préoccupation constante, une théorie ancienne, qu'il aurait voulu expérimenter en grand : la culture par le milieu, laguérison même, l'être amélioré et sauvé, au physique et au moral. Elle lui devait certainement le meilleur de son être, elle devinait la fantasque et la violente qu'elle aurait pu devenir, tandis qu'il ne lui avait donné que de la passion et du courage. Dans cette floraison, au libre soleil, la vie avait même fini par les jeter aux bras l'un de l'autre, et n'était-ce pas comme l'effort dernier de la bonté et de la joie, l'enfant qui était venu et qui les aurait réjouis ensemble, si la mort ne les avait point séparés ?

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