Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°1893)

Chapitre XIV

L'Arbre généalogique, le seul document intact, était joint à l'enveloppe, et Clotilde apporta le tout sur la table, près du berceau. Quand elle eut sorti les débris un à un, elle constata, ce dont elle était déjà à peu près certaine, que pas une page entière de manuscrit ne restait, pas une note complète ayant un sens. Il n'existait que des fragments, des bouts de papier à demi brûlés et noircis, sans lien, sans suite. Mais, pour elle, à mesure qu'elle les examinait, un intérêt se levait de ces phrases incomplètes, de ces mots à moitié mangés par le feu, où tout autre n'aurait rien compris. Elle se souvenait de la nuit d'orage, les phrases se complétaient, un commencement de mot évoquait les personnages, les histoires. Ce fut ainsi que le nom de Maxime tomba sous ses yeux ; et elle revit l'existence de ce frère qui lui était resté étranger, dont la mort, deux mois plus tôt, l'avait laissée presque indifférente. Ensuite, une ligne tronquée contenant le nom de son père, lui causa un malaise ; car elle croyaitsavoir que celui-ci avait mis dans sa poche la fortune et l'hôtel de son fils, grâce à la nièce de son coiffeur, cette Rose si candide, payée d'un tant pour cent généreux. Puis, elle rencontra encore d'autres noms, celui de son oncle Eugène, l'ancien vice-empereur, ensommeillé à cette heure, celui de son cousin Serge, le curé de Saint-Eutrope, qu'on lui avait dit phtisique et mourant, la veille. Et chaque débris s'animait, la famille exécrable et fraternelle renaissait de ces miettes, de ces cendres noires où ne couraient plus que des syllabes incohérentes.

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