Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°645)

Chapitre V

Et l'animalité, la bête qui souffre et qui aime, qui est comme l'ébauche de l'homme, toute cette animalité fraternelle qui vit de notre vie !... Oui, j'aurais voulu la mettre dans l'arche, lui faire sa place parmi notre famille, la montrer sans cesse confondue avec nous, complétant notre existence. J'ai connu des chats dont la présence était le charme mystérieux de la maison, des chiens qu'on adorait, dont la mort était pleurée et qui laissait au cœur un deuil inconsolable. J'ai connu des chèvres, des vaches, des ânes, d'une importance extrême, dont la personnalité a joué un rôle tel, qu'on en devrait écrire l'histoire... Et, tiens ! notre Bonhomme à nous, notre pauvre vieux cheval, qui nous a servis pendant un quart de siècle, est-ce que tu ne crois pas qu'il a mêlé de son sang au nôtre, et que désormais il est de la famille ? Nous l'avons modifié comme lui-même a un peu agi sur nous, nous finissons par être faits sur la même image ; et cela est si vrai, que, lorsque, maintenant, je le vois à demi aveugle, l'œil vague, les jambes perclues de rhumatismes, je l'embrasse sur les deux joues, ainsi qu'un vieux parent pauvre, tombé à ma charge... Ah ! l'animalité, tout ce qui se traîne et tout ce qui se lamente au-dessous de l'homme, quelle place d'une sympathie immense il faudrait lui faire, dans une histoire de la vie !

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