Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°662)

Chapitre V

D'ailleurs, n'était-ce pas la vie ? Il n'y a pas de mal absolu. Jamais un homme n'est mauvais pour tout le monde, il fait toujours le bonheur de quelqu'un ; de sorte que, lorsqu'on ne se met pas à un point de vue unique, on finit par se rendre compte de l'utilité de chaque être. Ceux qui croient à un Dieu doivent se dire que, si leur Dieu ne foudroie pas les méchants, c'est qu'il voit la marche totale de son œuvre, et qu'il ne peut descendre au particulier. Le labeur qui finit recommence, la somme des vivants reste quand même admirable de courage et de besogne ; et l'amour de la vie emporte tout. Ce travail géant des hommes, cette obstination à vivre, est leur excuse, la rédemption. Alors, de très haut, le regard ne voyait plusque cette continuelle lutte, et beaucoup de bien malgré tout, s'il y avait beaucoup de mal. On entrait dans l'indulgence universelle, on pardonnait, on n'avait plus qu'une infinie pitié et une charité ardente. Le port était sûrement là, attendant ceux qui ont perdu la foi aux dogmes, qui voudraient comprendre pourquoi ils vivent, au milieu de l'iniquité apparente du monde. Il faut vivre pour l'effort de vivre, pour la pierre apportée à l'œuvre lointaine et mystérieuse, et la seule paix possible, sur cette terre, est dans la joie de cet effort accompli.

?>