Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°72)

Chapitre A la mémoire de MA MERE et à MA CHERE FEMME je dédie ce roman qui est le résumé et la conclusion de toute mon œuvre.1

Depuis bientôt deux ans, la vieille madame Rougon était veuve. Son mari, devenu si gros, qu'il ne se remuait plus, avait succombé, étouffé par une indigestion, le 3septembre 1870, dans la nuit du jour où il avait appris la catastrophe de Sedan. L'écroulement du régime, dont il se flattait d'être un des fondateurs, semblait l'avoir foudroyé. Aussi Félicité affectait-elle de ne plus s'occuper de politique, vivant désormais comme une reine retirée du trône. Personne n'ignorait que les Rougon, en 1851, avaient sauvé Plassans de l'anarchie, en y faisant triompher le coup d'Etat du 2 décembre, et que, quelques années plus tard, ils l'avaient conquis de nouveau, sur les candidats légitimistes et républicains, pour le donner à un député bonapartiste. Jusqu'à la guerre, l'Empire y était resté tout-puissant, si acclamé, qu'il y avait obtenu, au plébiscite une majorité écrasante. Mais, depuis les désastres, la ville devenait républicaine, le quartier Saint-Marc était retombé dans ses sourdes intrigues royalistes, tandis que le vieux quartier et la ville neuve avaient envoyé à la Chambre un représentant libéral, assurément teinté d'orléanisme, tout prêt à se ranger du côté de la République, si elle triomphait. Et c'était pourquoi Félicité, en femme très intelligente, se désintéressait et consentait à n'être plus que la reine détrônée d'un régime déchu.

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