Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°722)

Chapitre VI

Dans les premiers jours de janvier, Clotilde assista, sans le vouloir, à une scène qui lui serra le cœur. Elle était devant une des fenêtres de la salle, à lire, cachée par le haut dossier de son fauteuil, lorsqu'elle vit entrer Pascal, disparu, cloîtré au fond de sa chambre, depuis la veille. Il tenait, des deux mains, grande ouverte sous ses yeux, une feuille de papier jauni, dans laquelle elle reconnut l'Arbre généalogique. Il était si absorbé, les regards si fixes, qu'elle aurait pu se montrer, sans qu'il la remarquât. Et il étala l'Arbre sur la table, il continua à le considérer longuement, de son air terrifié d'interrogation, peu à peu vaincu et suppliant, les joues mouillées de larmes. Pourquoi, mon Dieu ! l'Arbre ne voulait-il pas lui répondre, lui dire de quel ancêtre il tenait, pour qu'il inscrivit son cas, sur sa feuille à lui, à côté des autres ? S'il devait devenir fou, pourquoi l'Arbre ne le lui disait-il pas nettement, ce qui l'aurait calmé, car il croyait ne souffrir que de l'incertitude ? Mais ses larmes lui brouillaient la vue, et il regardait toujours, il s'anéantissait dans ce besoin de savoir, où sa raison finissait par chanceler. Brusquement, Clotilde dut se cacher, en le voyant se diriger vers l'armoire, qu'il ouvrit à double battant. Il empoigna les dossiers, les lança sur la table, les feuilleta avec fièvre. C'était la scène de la terrible nuit d'orage qui recommençait, le galop de cauchemar, le défilé de tous ces fantômes, évoqués, surgissant de l'amas des paperasses. Au passage, il jetait àchacun d'eux une question, une prière ardente, exigeant l'origine de son mal, espérant un mot, un murmure qui lui donnerait une certitude. D'abord, il n'avait eu qu'un balbutiement indistinct ; puis, des paroles s'étaient formulées, des lambeaux de phrase.

?>